Mieux détecter l’aphasie à la suite d’un AVC

Mieux détecter l’aphasie à la suite d’un AVC

À l’hôpital Bicêtre (AP-HP), la création d’une nouvelle échelle de langage, baptisée LAST (LAnguage Screening Test), permet dorénavant d’identifier, en seulement deux minutes et de façon fiable, les troubles phasiques causés par un accident vasculaire cérébral (AVC) en phase aiguë. L’objectif atteint est de détecter au plus tôt ces troubles du langage, en phase d’urgence où chaque minute compte, pour mieux les prendre en charge.

L’aphasie désigne la perte partielle ou totale de la faculté de s’exprimer et de comprendre le langage écrit ou parlé, à la suite d’une lésion cérébrale. Ce trouble majeur de la communication acquis constitue un handicap social et professionnel considérable. « Dans les unités de soins intensifs neuro-vasculaires (USINV), les médecins passent trop souvent à côté de ces troubles du langage, car ils se concentrent sur des symptômes plus visibles : problèmes moteurs, d’équilibre, sensitifs ou de vision. Or, on estime entre 20 à 40 % le taux d’aphasie chez une victime d’un AVC, avec des séquelles souvent très handicapantes. Dans ce contexte, détecter à temps et évaluer au mieux un trouble du langage, même isolé, participe au processus décisionnel thérapeutique, en particulier de thrombolyse », explique le docteur Christian Denier, praticien hospitalier responsable de l’USINV dans le service de neurologie de Bicêtre (AP-HP), dirigé par le Pr David Adams.

Chaque médecin avait jusqu’à présent sa propre technique pour détecter l’aphasie, et les bilans orthophoniques classiques sont trop longs (quelques heures) pour être réalisés en urgence. C’est à partir de ce constat que Constance Flamand-Roze, orthophoniste à l’hôpital Bicêtre, et Christian Denier, ont mis au point cette échelle simple, rapide et reproductible, pour dépister des troubles du langage, même discrets, à la phase aiguë de l’AVC. Nom de code : LAST, acronyme de LAnguage Screening Test*.

Un score de 15 sur 15, sinon…

Le principe de LAST est simple : une orthophoniste, une infirmière ou un médecin soumet un questionnaire de 15 items au patient. Celui-ci doit, par exemple, désigner l’image correspondant au mot « lapin », nommer un téléphone dessiné, compter de 1 à 10, répéter une phrase, mettre une main sur la tête, etc. L’exercice ne dure que deux minutes. « S’il obtient un score inférieur à 15 sur 15, le patient a potentiellement un trouble du langage, les orthophonistes pratiquent alors les tests complémentaires nécessaires », complète Constance Flamand-Roze. « L’objectif est de détecter au plus tôt un dysfonctionnement, et mettre en place le plus rapidement le traitement et la rééducation appropriés », poursuit l’orthophoniste. Cet outil permet aussi de suivre l’évolution de l’aphasie de façon quantitative après l’AVC.

Dr Constance Flamand-Roze

En amont, les travaux préparatoires ont duré cinq ans. Les images et les mots du questionnaire ont été déterminés selon leur prégnance dans la langue française. Pendant un an, tous les patients entrants dans l’unité de soins intensifs neuro-vasculaires de Bicêtre ont été testés. L’échelle LAST a été validée sur 454 patients pour s’assurer de sa fiabilité ; le travail statistique a été effectué par le Pr B. Falissard (Inserm U669). Il existe 2 versions de l’échelle afin d’éviter un éventuel effet d’apprentissage chez le patient qui repasse le test quelques jours plus tard, pour évaluer l’évolution des troubles initiaux.
Prochaines étapes ‘ « Sensibiliser tous les médecins à systématiquement chercher d’éventuels troubles du langage de façon stéréotypée en utilisant LAST; et appréhender l’histoire naturelle des aphasies, en particulier dès l’installation des symptômes ».

Déposée et protégée par l’AP-HP, l’échelle LAST est aujourd’hui diffusable dans tous les hôpitaux de France, et plus largement francophones. De bon augure, alors que les AVC ont été déclarés « Priorité nationale de santé publique 2010-2014 ». Enfin, « Adapter l’échelle LAST en version anglaise », répond Constance Flamand-Roze. Cette innovation diagnostique va probablement transformer l’évaluation et en partie la prise en charge des AVC en phase aiguë.

* Traduction : Test de dépistage du langage

L’échelle LAST récompensée : le travail de Constance Flamand-Roze, Christian Denier et coll a été publié dans la revue scientifique Stroke, référence dans le domaine neurovasculaire. LAST a également été présentée cette année l’American Academy of Neurology.